Tito Prince
Je ne fais ni du rap kainry, ni du rap français, je fais de l’art abstrait.
Dans mon dernier article, j’ai dit que tu t’affranchissais des codes du rap français. J’ai reçu beaucoup de questions à ce sujet de personnes qui ne comprenaient pas ce que je sous-entendais. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur ce point ?
Dans leur direction artistique et dans leur façon de penser, la plupart des rappeurs français se ressemblent. Ils prêchent tous dans la même direction. Tandis que moi, j’apporte des choses nouvelles. Sur un titre comme « Housewife », je rappe sur des sujets qu’ils n’ont pas l’habitude de traiter. Dans cet EP, je me dévoile comme beaucoup d’autres ne le font pas, que ce soit en bien ou en mal, peu m’importe. Et ça c’est une manière de faire que les autres rappeurs français n’ont pas, car le rap français a ses codes précis. Quand tu arrives dans ce milieu, tu dois montrer ta crédibilité. Quand tu me vois, tu sais que je viens de la street, j’ai pas besoin d’en faire beaucoup pour le montrer. Et c’est pour toutes ces raisons que j’ai choisi de prendre un autre chemin.
Du coup, comment tu te positionnes dans le paysage du rap français aujourd’hui ?
Moi je suis dans mon truc. J’ai fait quelques collaborations, avec Youssoupha sur le morceau « Kinshasa Boss » (NDLR : le remix du titre « Paname Boss » de La Fouine), avec Ol’Kainry, Jango Jack, Dany Dan… Malgré tout, je tiens à garder mon univers. Dans un titre, je dis que je ne fais ni du rap kainry, ni du rap français, je fais de l’art abstrait. Mon style est novateur en terme de façon de penser, les gens ne le connaissent pas encore et j’essaie de leur faire découvrir. C’est vrai que dans mon univers, on entend beaucoup de sonorités qu’on entend aux USA mais le rap c’est un tout, ça ne se limite pas aux instrus d’un morceau qu’on entend derrière.
Était-ce une stratégie de ta part d’être resté en retrait entre ta mixtape gratuite « Avant d’exister » et la sortie de ton dernier EP « Un Prince dans un HLM » ?
En fait je me préparais, sur tous les points. Pour réussir dans le rap, il faut vraiment travailler avec des mecs qui ont une bonne connaissance du milieu, notamment en droit, en communication, en marketing… Je cherchais à me constituer une équipe solide, établir une vraie structure entre ma mixtape « Avant d’exister » qui était une mixtape gratuite pour laquelle je n’avais pas besoin de beaucoup de promo et mon dernier EP, pour lequel j’avais besoin d’être un peu plus entouré pour faire les choses cadrées comme il fallait.
"Un Prince dans un HLM" est un EP autobiographique dans lequel tu te dévoiles.Tu parles beaucoup de la galère que tu as connue. Penses-tu que si tu avais eu une vie différente, tu aurais quand même fait du rap ?
Je pense que oui. Si j’avais eu la vie d’un mec du 16e arrondissement de Paris et que je savais faire du rap avec le même talent, je me serai quand même lancé. Ça aurait peut-être même été plus lourd si j’avais d’autres choses à raconter, on ne peut pas savoir. Pour moi le rap, c’est avant tout de la musique. Il n’est pas interdit aux personnes qui ne viennent pas d’une cité de rapper, à l’instar du groupe 1995. Mais par contre, je tiens à l’authenticité. Si tu viens de tel milieu, rappe ce que tu connais parce que tu toucheras davantage les gens, ne parle pas de ce que tu ne connais pas. C’est pour ça que je commence par rapper ma vie, même si j’essaie d’adapter ce que je raconte à tous les publics, de telle sorte que quelqu’un qui ne vient pas du même milieu que moi puisse écouter et kiffer.
Quelle suite comptes-tu donner à "Un Prince dans un HLM" ?
Je travaille sur un album. Je ne sais pas encore quelle direction lui donner. Ca va être dans la continuité d’ « Un prince dans un HLM ». J’essaie sans cesse de progresser, donc j’espère qu’il montrera mon évolution. C’est important pour ne pas souler les gens à chaque fois. J’ai déjà quelques idées pour l’album, je vais mettre ça en place pour pouvoir balancer un premier titre en fin d’année et arriver en début d’année prochaine avec l’album. Mais pour l’instant, je préfère exploiter à fond mon dernier EP car il vient à peine de sortir.
Quels sont les artistes qui t’ont donné envie de faire du rap ?
En premier en France, c’est Afrodiziac, avec leur titre « Trouve-moi un job ». En kainry, Wu-Tang, Mobb Deep, Talib Kweli, Mos Def, DMX, et même des artistes R’n’B comme Mary J Blige.
Et aujourd’hui, qu’est-ce que tu écoutes et qui t’influence dans ta musique ?
Un peu de tout. En matière de rap français, j’écoute beaucoup d’anciens, comme Secteur Ä, Mafia Trece, X-Men. De manière plus large, j’écoute aussi des rumbas gospel, du gospel kainry car je suis très spirituel et ça m’aide beaucoup dans l’écriture de mes textes. J’essaie d’apprendre de tous les sons que j’écoute d’un point de vue artistique, en termes de sonorités, des mélodies. Je n’écoute pas vraiment ce qu’ils disent, car par exemple les kainry ils ne parlent que de chose que je n’ai pas.
Avec quels artistes aimerais-tu collaborer, hormis ceux avec lesquels c’est déjà fait ?
En France, j’aimerais bien tenter quelque chose avec Akhenaton. J’ai d’ailleurs oublié de le citer dans les artistes qui m’ont influencé, j’écoute beaucoup IAM. Peut-être que les gens vont s’attendre à ce que je dise Rohff ou Booba, mais ce qui m’intéresse c’est davantage le côté artistique. Je voudrais lui imposer un concept et mon univers. En 5 min, si tu me dis que tu ramènes Akhenaton, je te trouve un thème ! En ce moment j’écoute le dernier album d’IAM « Arts Martiens », et malgré le temps qui passe, il kicke toujours. Tous les rappeurs que j’ai cités avant ne rappent presque plus aujourd’hui, sinon je crois que j’aurai été les chercher pour faire un featuring. En kainry, toujours en imposant mon délire, mon univers, mon concept, j’aimerais collaborer avec Drake. Faire un refrain, même chanté, lui et moi, que je lui montre qu’avec ou sans vocoder j’suis là aussi !
Merci à Tito Prince pour cette interview.
"Un Prince dans un HLM" est toujours disponible en téléchargement sur iTunes en version digitale ou dans toutes les FNAC en version physique.
Rédaction : l’article et l’interview sont de Elodie Sophie. Vous pouvez la retrouver sur Twitter et sur Nouvelobs. Merci beaucoup à elle de nous avoir mis son interview à disposition pour Blaze Hip Hop.
Publié par
, le 30.07.2013