Interviews

Karl Colson

Le producteur qui pète le score

Pour ceux qui ne te connaissent pas, présente-toi.

« Karl Colson, compositeur et sampler maker. Membre du collectif TAH SAH. »

Quelle définition donnerais-tu à ta musique ? Où puises-tu, toute cette inspiration ? On te sait très productif et présent sur de nombreux projets.

« Mon fonctionnement est en général ainsi fait : lorsque je compose, je cherche à faire en sorte que ce qui en résulte passe pour du sample. Lorsque je sample, j’essaie de faire en sorte que ce qui en résulte sonne composé.
J’aime la complexité plus que la simplicité. Non pas que la simplicité soit quelque chose de facile à produire à mes yeux. Bien au contraire. Un jour, j’ai expliqué à Dreyf que je cherchais quelques lignes d’introductions décrivant ma musique. Voici ce qu’il m’a renvoyé : « Ma musique est probablement à mi chemin entre : mélodies envoûtantes, expressives, rythmées et percutantes ».

J’aime le « score » (i.e musique de film). Je veux dire par là que la musique liée à l’image me transperce souvent bien plus que d’autres styles. Je pense que mon inspiration me vient en premier lieu de ce genre musical. La musique de film est thématique, accompagne une idée, une ambiance, des émotions. Hans Zimmer, John Barry, John Williams, Ennio Morricone et j’en passe. Sors la bande originale d’un film de son contexte, je veux dire, juste écoute et ferme les yeux. Il y a de la place pour des centaines de scénarios. Ce sont des musiques qui génèrent bien plus d’images qu’elles n’en accompagnent. Voilà ce que je cherche à faire et c’est peut-être la raison pour laquelle que le terme de « musique envoûtante » me plaît.

Vent d’Est disait souvent à mes débuts que mes productions se suffisaient à elle même et qu’il n’y avait plus la place pour y coller le texte d’un rappeur. Il m’a fallu travailler et faire en sorte que je puisse véhiculer des images tout en laissant à l’auteur la place de pouvoir écouler son message.
Mon inspiration la plus profonde reste le besoin d’évasion. Peut-être ai-je besoin de faire passer des images derrière lesquelles je cherche une libération, même éphémère.

J’ai vécu tellement de choses pénibles, que le processus de création en lui même est une pommade lorsque l’hématome devient trop douloureux, trop visible. C’était déjà le cas lorsqu’avant d’être dans la musique, je trouvais refuge en dessinant. Jcherchais déjà à transmettre des images, à oublier de vieux souvenirs revenus me hanter. »

Pourquoi avoir choisi de faire du hip hop ? Peux-tu concevoir un jour d’élargir ton champ d’action et produire dans d’autres styles musicaux ? Si oui, lesquelles ?

« A la base je n’étais pas du tout dans le mouvement. Pourtant tout ce qui m’entourait lui respirait le hip-hop : la banlieue, la rue, la mode vestimentaire, le son… Je suis cependant passé à travers ce mouvement. A une époque, je me suis tellement replié sur moi-même que rien d’extérieur ne pouvait m’interpeller.

J’étais encore dans le dessin quand j’ai commencé à m’y intéresser. Un ami m’a parlé de fonder un groupe, un trip passager histoire de passer le temps. Nous avons fait quelques essais. Nous étions 2, 3 puis 4. C’est certainement devenu hip-hop par la force des choses : l’écriture, l’envie des auteurs...
J’ai donc commencé à me pencher dessus, écouter ce qui se faisait. La première k7 que j’ai squatté était celle d’Expression Direkt. Cela tournait en boucle à la maison ou bien lorsque j’allais et revenais des cours dans le 378 de VLG à Colombes.

Quand mon père est décédé en 97, j’étais désorienté. J’ai peu de souvenirs de cette période. Je devais passer pour un fantôme dans mon établissement scolaire. J’ai tout plaqué. J’avais déjà sérieusement corrompu mon avenir dans le dessin à cause d’une blessure que je m’étais infligé en me disputant un an plus tôt avec lui. Je savais que cette école ne me donnerait plus l’accès à mes rêves et ambitions professionnels. Je pensais que tout était fichu. Je me suis alors activé et concentré sur la musique, déjà pour oublier puis pour le besoin de création.

Car la feuille, les feutres, ou tout ce qui touchait au dessin me replaçait dès lors en situation d’échec. Je n’avais donc plus que le support musical pour m’exprimer et créer. Ce n’est vraiment qu’à cet instant que le hip hop a pris tout son sens et s’est infiltré en moi. Les textes engagés, le malaise social, la misère, tout ce qui me touchait de près ou de loin. Je ne pouvais qu’adhérer à cet univers révolté, militantisme que transpirait le rap à cette époque.

Révolté car j’avais vécu trop de choses : les violences conjugales avec mon père qui battait ma mère, ses soucis d’alcool l’ayant poussé au bout d’une corde lorsque j’étais ado, ma culpabilité de n’avoir pu le lui pardonner après avoir aider ma mère à le décrocher, son deuxième suicide concluant cette fois. Il avait imploré mon pardon la veille qu’il n’avait obtenu.

Militant parce que malgré le suivi social et l’accompagnement éducatif mis en place, j’avais l’impression que le monde avait laissé faire. Puis, lorsque plus tard nous nous sommes confrontés à l’expulsion, ma mère ne pouvant plus payer, assumer les dettes que lui avait laissé mon défunt père... Je te ferais écrire un livre si je te racontais cet épisode de ma vie. Mais j’ai l’impression que tout cela a formé un tout et que cela a probablement fait partie d’un ensemble qui m’a emmené dans le rap. Aujourd’hui, je dirais que c’est ce qui m’accompagne.

Produire dans d’autres styles musicaux ?. Oui, je me pose souvent des questions. Je pense avoir apporté une réponse déjà dans les premiers paragraphes de ton interview. J’essaierais un jour de me confronter aux bandes son de films ou de jeux vidéos. Cela m’attire. J’ai cependant encore beaucoup de travail à accomplir avant d’en arriver là. J’aimerais bien tester la soul aussi mais je n’ai pas encore la culture suffisante pour m’imprégner du style. »

D’où te vient ce soucis des détails et l’envie de rechercher la perfection, ce qui ce ressent dans ta musique, pleine de variations et rebondissements face à des productions rap qui sont bien trop souvent à mon goût simplistes, ce qui bien sur ne remet pas en question leur efficacité ?

« Une fois encore, je pense avoir répondu dès le début. Mon inspiration pour le score. Il doit y avoir aussi l’envie de se démarquer. En fait, j’ai longtemps fait du tourne en rond. En puisant dans les sons east-coast, je m’inspirais énormément du groupe Mobb Deep. Tant et si bien qu’un soir en studio, un des rappeurs de l’Skadrille pose son couplet et balance dans son texte "sur un son Mobb Deep", un truc du genre. Sur le coup cela était flatteur, mais après réflexion, je me suis dis que je n’avais aucune personnalité musicale. J’ai d’abord commencé par surcharger mes productions, puis je me suis rendu compte que je pouvais utiliser cette surcharge sur des lignes de variations.

Je pense aussi que cela vient de mon éducation. Malgré ses défauts, mon père nous a apporté le sens de la politesse, des valeurs et tout de même une bonne éducation. Il était dur et intraitable sur ce point. Mais je l’ai aimé et continue de le respecter pour cela. Il m’a appris tout petit à faire les choses avec un esprit de perfectionniste. Ne serait ce qu’écrire. Lorsque j’étais en CP, il arrachait les pages de mon cahier s’il y avait la moindre rature. Je devais recommencer mes devoirs ou recopier mes leçons. Et puis cela ne rigolait pas. Avec ma sœur, nous pouvions passer des week-ends entiers à faire des lignes. Je dirais même que ma pauvre sœur y a passé parfois des semaines entières si ce n’était pas un mois. Aujourd’hui cela continue de m’apporter. Ecrire une lettre de motivation de sa plus belle plume, mine de rien c’est très payant. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Mais pour mon père la qualité passait dans le respect et la façon de faire les choses. J’essaie donc d’appliquer ses principes dans mes compositions. C’est aussi une manière de respecter les personnes qui écouteront ou bien celles qui adhèrent et te suivent.
 »

Peux-tu rapidement nous présenter les artistes avec qui tu travailles, leurs projets, sortis et les qualités qui font qu’ils t’inspirent ?

« Vent d’Est et moi avons fondé la TAH SAH prod’ en 2002 à l’occasion de la sortie du maxi Positivement Négatif d’Exhaustif. Le collectif était avant tout un pôle de producteurs (Karl Colson, Vent d’Est, Sta2F et DJ Zif) puis s’est ouvert, accueillant plusieurs auteurs / interprètes dont le groupe 92MF (Kaïman, Boz et Lim.Sa), Two Face, Kroksy, Chimik et Daïl’s. Nous avons sorti Positivement Négatif en 2002. Two Face a sorti son street-cd fin 2007 et Kroksy un street album mars dernier. Actuellement, Two Face lance une mix tape avec des inédits dont le morceau « Dangereux » en feat. avec l’Ursa Major qui est clippé et visualisable sur le net. On y retrouve des anciens morceaux dont "TAH SAH " (featuring 1.6 Block prod : SD-Click) issus du dernier album. Le tout mixé par DJ Myst (Nouvelle Donne).

Je suis sur le mix de « Baignade Interdite » le street album de Kaïman qui, en parallèle termine sa mix tape « En eaux troubles » mixée encore par DJ Myst. On peut lui dire merci pour le coup de main qu’il leur donne.
De mon côté, j’avais fait tout un travail pour démarcher et pour lequel j’ai composé près de 40 instrumentaux. Mais je ne sais pas qui, ni comment démarcher. De plus les artistes dont le travail me parle collaborent déjà avec de bons producteurs ce qui ne simplifie pas les choses. J’avais donc pensé faire un album instrumental.

Avant d’agir, je me concerte avec Vent d’Est qui m’est toujours de bons conseils. Il m’a relancé sur l’idée de démarcher des artistes. Pour l’instant, je ne suis pas encore prêt à le faire. Et puis ce n’est pas mon travail. Je suis donc à la recherche d’un manager. En attendant j’ai réuni l’ensemble de l’équipe et je leur ai parlé de l’idée de faire un double album avec une sélection de trente sons sur quarante. J’en ai refilé un à Futur proche et j’ai proposé quelques bases à Two Face qui finalise son prochain album.
Hors collectif, je collabore régulièrement avec Ornicard (Lorraine) que tu connais très bien (rires), Faker El Din un gars de Mulhouse, Stoff Terrier qui est suisse, Dreyf et Futur Proche. Des projets de la SD-Click aussi, arrivent en parallèle. A la fin du mois dernier est sorti "Same player shoot again Vol.1" de Dreyf. J’avais fait le « Ravitaillé par les Corbeaux » en 2005 qui était parut sur le cd sampler de Groove Mag. Les qualités qui m’inspirent chez tous ces artistes sont d’abord leur originalité que ce soit dans le timbre de voix, le flow ou l’écriture.

C’est vrai que lorsque je fais le point, je m’aperçois que je suis assez fermé, que cela reste très « familiale ». C’est malheureusement faute de temps. J’ai énormément de choses à faire ne serait ce qu’au sein de ma team. De plus je me suis laissé disperser à une époque en distribuant des productions ici et là. Des projets qui n’ont jamais vu le jour, des « pseudo-artistes » qui ne donnent plus de nouvelles. Bref, du temps et de l’investissement pour zéro retour. Et encore, je tairais certaines expériences.
 »

Après avoir été le producteur de « La Rage » le premier morceau clipé de l’Album de Keny Arkana chez Because, pourquoi on ne te retrouve plus aujourd’hui sur des projets de cette envergure ? Comment expliques-tu cela ?

« Tout d’abord par le fait que ces trois dernières années, j’ai œuvré avant tout pour le collectif. J’étais derrière chaque morceau de chaque artiste, même lorsque la production n’était pas de moi. Présent en studio, présent aux arrangements et si le temps me l’avait autorisé j’aurai réalisé tous les mix.
De plus, j’ai une vie familiale, des obligations comme payer mon loyer...
Après « La Rage », le directeur des éditions Because m’avait tendu la perche, je savais qu’il fallait la saisir, mais je ne voulais pas laisser en plan tout le travail effectué au sein du crew et lorsque je l’ai recontacté cela devait déjà être trop tard.

Il y a aussi le fait que j’étais malade depuis 2003. Plus j’avançais dans le temps, plus je m’épuisais et j’avais du mal à me concentrer sur ma musique.
Je me suis fait opéré il y a près de deux mois. Aujourd’hui j’ai l’impression de revivre. Je retrouve ma concentration et recommence à passer des journées entières devant mes machines. C’est bon signe.

Cependant, je n’ai jamais vraiment été dans une dynamique de production massive. Et puis je n’ai pas envie de courir et de faire des erreurs. J’ai eu quelques déceptions, même au sein de l’équipe. J’ai donné le maximum que je pouvais donné, l’an passé pour « Genuine », l’album de Kroksy. J’étais 24h/24 en studio avec lui, même lorsque ce n’était pas mes productions.
Je faisais de la direction artistique, réalisais tous les arrangements structurels sur les sons... J’étais réaliste bien sûr, je ne m’attendais pas à ce que ce soit la découverte de l’année. Mais j’espérais beaucoup de l’artiste, qu’il défende sa musique, la porte sur scène, sur les ondes... Mais rien. Le disque est sorti, il a fait un clip, mais rien. Le clip n’a pas tourné, il n’y a eu aucune scène, pas même de radio. Pourtant son distributeur s’est démené pour le mettre en rayon Fnac et bien placé en plus. Je pense aussi au graphiste qui s’est appliqué. Mais rien. Pire, je n’ai même pas eu d’exemplaires, j’ai dû le commander moi même à la Fnac. D’ailleurs d’autres attendent encore le leur. C’est vraiment dommage. Surtout qu’il avait lui-même vécu une situation ingrate au début de son parcours sur l’album.

Enfin, tout cela pour dire, que je ne me suis pas encore vraiment concentré sur mon parcours personnel mais plutôt sur le développement des artistes du collectif. Cela n’a pas porté ces fruits pour Kroksy. Preuve que l’on ne récolte pas toujours les fruits de ce que l’on sème.
 »

Avec qui aimerais-tu à l’avenir travailler ? Quels sont, les gens sur le devant de la scène dont le travail te parle vraiment ?

« Pour le moment j’ai beaucoup de mal à me projeter dans le futur. Les artistes avec lesquels j’aimerais travailler collaborent déjà tous avec une belle palette de producteurs talentueux. J’apprécie toujours le côté militantisme dans le rap et ceux qui actuellement en parlent le mieux pour moi sont Medine, Keny Arkana, Kery James, Casey, Flynt...

Flynt est un artiste que j’admire pour son travail ainsi que son attitude.
Il est très difficile quand au choix de ses instrumentales. Je lui ai fait parvenir toutes les productions faites dernièrement dans le cadre de démarchage, il n’en a retenu aucune. Et même bien avant, je lui avait envoyé quelques sons dont celui que Keny a retenu pour « La Rage ». Je n’ai pas encore réussi à le séduire musicalement. J’essaie donc de trouver une couleur sans forcément passer par du sample. Ce n’est pas facile car je sais qu’il est dans un cadre bien défini et lui même m’avait expliqué ce qu’il cherchait. Mais j’aime les défis. Ce ne sera peut-être pas pour tout de suite, voir jamais, mais cela me fait bosser avec un autre regard, un autre objectif. Depuis quelques jours, j’essaie de lui envoyer régulièrement quelques bases pour voir s’il accroche ou pas. Et c’est là que j’apprécie Flynt pour son attitude. Il ne te fait pas perdre de temps. C’est cash. Ce n’est pas un chipoteur.

Après, il est vrai que je pourrais faire des banques de sons et démarcher à tout va et n’importe comment. Cela ne m’intéresse pas. Beaucoup envoient des tonnes de productions tendances, souvent même à la limite du clonage. Le pire, c’est que cela fonctionne ! Certes, je pourrais me faire un cv rempli de beaux featurings mais je préfère m’investir sur le fond et la forme. Faire de la qualité et me dire que peut-être un jour, j’apporterais une identité sonore qui m’est propre. Je cherche perpétuellement à travailler ma touche, ma couleur, mon emprunte. Cela ne se fait pas en trois heures et c’est loin d’être un travail terminé.

Sinon, il y a un ou deux ans, j’ai voulu faire un album, que je n’ai pu réaliser faute de temps, de punch et aussi de courage. J’y avais dressé une liste :
3em Oeil, Akhenaton, Arsenik, Busta Flex, la Brigade, la Caution, Expression Direkt, Fdy Phenomen, la Fonky Family, Freeman, Scred Connexion, Kery James, Less’ du Neuf, KDD, Kool Shen, Medine, Nuttea, Princess Anies, Psy 4 de la Rime, Psykopat, Oxmo Puccino, des membres de la Cliqua, Roce, l’SKadrille, les Sages Po, Flynt, Shurik’n, Tandem, Mr R, Keny Arkana, Seyfu, Casey, certains membres d’ATK. Donc, là tu retrouves vraiment la liste complète des gens comme tu dis, sur le devant de la scène dont le travail me parle. J’avais commencé à contacter quelques uns de ses artistes, et je n’ai eu que peu de réponses. Le seul qui ai pris le temps d’en parler avec moi est le manager de Less’ du Neuf, que je salue : « merci et milles excuses pour ne pas être allé au bout de ce que je voulais faire. » Enfin, j’espère être un jour dans de meilleures positions pour réaliser ce disque car j’ai certes fait un morceau qui a bien « buzzé », mais cela ne veut malheureusement pas dire que je suis "quelqu’un" ou alors peut-être que je ne sais pas en tirer avantage. Si tu es manager... Tu m’intéresses (rires). »

Quel est le matériel avec lequel tu travailles, dans les grandes lignes et avec lequel rêverais-tu de pouvoir composer ?

« Alors dans les grandes lignes, je séquence sur Cubase 4, sample sur un Ensoniq ASR-X, synthétise sur un Ensoniq ESQ-1, compose avec le Motif XS6 (parfois de A à Z)... Pour le mix, je dispose d’une carte audio RME Fireface 800 et de quelques plugs DSP comme la Liquid Mix de Focusrite, l’UAD flexipack...

"Ah ! Si j’étais riche !", j’achèterais pas mal de choses si bien qu’il n’y aurais plus de place dans ma chambre. J’aime bien trifouiller. Et puis, j’ai commencé à m’intéresser aux effets intégrés de mes machines. Agréablement surpris par les eq. Cela m’a donné envie d’investir plus tard dans une channel strip. Mais clair, si j’avais de l’argent déjà je n’aurais pas peur d’investir dans de l’occasion. Un bon SP-12 et quelques autres sampleurs EMU. Compléter ma gamme Ensoniq avec un ASR-10, un DP4 (processeur d’effets) . Je m’achèterais un convertisseur analogique / numérique et vise versa, un sommateur, de bien meilleurs monitors. Et surtout, je taperais dans l’Universal Audio. Après y aurait bien des racks d’effets en veux-tu en voilà car j’aime bien trifouiller. Ah oui, je l’ai déjà dis (rires).

Cependant, à force d’économie, j’ai déjà obtenu le matos que je rêvais d’acquérir afin de composer. Et tout cela, ne serait que du bonus voir du surplus peut-être même pas apprécié à sa jute valeur. Si j’étais riche, je serais peut-être comme ces gars dont je suis tombé sur le Myspace. C’était incroyable, ils se sont payés des tonnes de synthés, de softs musicaux... Les photos me faisaient saliver. Mais voilà, après avoir pressé play sur leur player, le son, que ce soit au niveau qualité sonore qu’artistique, n’était guère plus intéressant que le pet d’une mouche.. A quoi cela sert-il de posséder autant de bécanes sans même savoir en utiliser une seule ? »

Travailles-tu actuellement sur un projet personnel ? Si oui, peux-tu nous expliquer un peu le concept et les objectifs recherchés ?

« Mon projet personnel ne l’est pas vraiment puisqu’il concerne le collectif. Comme je te le disais en guise de réponse à une des précédentes questions, nous allons enchainer un album donc avec le collectif TAH SAH. Les productions sont déjà prêtes. Il me reste deux sons à mettre à plat. Et je referais je pense quatre compos. Pour l’instant il n’y a pas de thème, ni de concept. Plutôt une ligne directive quant à l’écriture qui se voudra pro consciente. Nous allons essayer d’éviter l’égotrip, les thèmes ballos ou surfaits. Nous y retrouveront Two Face et Kaïman au premier plan puisque ce sont les deux activistes de la team. Mais il y aura aussi Boz et Limsa, donc quelques sons 92MF obligé ; Chimik, que j’ai pas mal délaissé afin de m’occuper des autres et qui pourtant a faim. Il y aura également un morceau avec l’SKT, un groupe avec lequel j’ai commencé (donc un clin d’œil) et certainement quelques apparitions de la SD-Click du 1.6 Block prod, qui est un collectif avec lequel nous partageons souvent nos projets.

En tout cas cela reste encore une fois un projet « famille ».
Je ne vais pas faire de disque instrumental tout de suite. Par contre je reste sur l’idée en projetant de mettre en ligne une net-tape. Je voulais le faire pour annoncer le disque instrumental que j’aurai mis en vente mais là ce ne sera plus le cas. Et puis cela fait un bon moment que je n’ai pas partagé sur le net, ni eu de retours. C’est important de se situer, d’avoir des avis, de pouvoir se remettre en question.
 »

Aujourd’hui quel changement t’apporte internet, dans ton travail de composition musicale ?

« Pour l’instant pas grand chose. Le net est chronophage, un « bouffe-temps ». En plus les forums regorgent de personnes qui veulent ta peau on dirait, confère Ecoute-ca.org, BeatMaker.org, ou Lehiphop.com. Merci à ces gens qui avaient pourtant mis en place de bien belles choses. Cela m’a bien apporté à un moment quand même, il faut le reconnaitre. Je pense notamment à Pam Sista (journaliste sur Lehiphop.com à l’époque), sans qui "La Rage" n’aurait jamais existé. Je pense aussi à ces forums cités plus haut et d’autres sur lesquels j’ai pu partager, entrer dans un jeu compétitif avec d’autres beatmakers, taper de franches rigolades ou engueulades ! Je garderais de bons souvenirs au moins de tout cela.

Mais aujourd’hui, non, cela ne m’apporte pas, j’ai l’impression que c’est devenu généralement très austère et froid. Il n’y a qu’à se pencher sur les myspaces et compagnie. J’en avais un au début. Les visites fusaient mais les pubs encore plus. J’étais pas le dernier à en faire non plus. Mais voilà. Ton truc est vite saturé. Ca m’a soulé, je l’ai fait effacer. J’en ai refait un plus scred. J’efface les commentaires promotionnels à peu près toutes les deux ou trois semaines pour préserver quand même un côté participatif et ne pas moi même me transformer en glaçon. Mais bon, je t’avoue qu’en général Myspace me dérange. Rien que leur lecteur mp3, qui te flingue la qualité de la musique que tu as au préalable déjà flingué toi même en la compressant en au format mp3. Vivement que la fibre se démocratise et que l’on passe au flux direct au format wav. Et puis à notre échelle, les gens passent faire leurs promotions. On se fait des contacts, et on balance nos commentaires à base de racolage sans prendre le temps d’écouter ce que font les artistes chez lesquelles nous postons. Ensuite eux-mêmes "riposteront" avec le mécanisme. Dans l’ombre, il n’y a rien de plus froid qu’un mécanisme, pire encore lorsque c’est virtuel. Tiens encore un : "SALUT, J’espère que ça va. Je voulais t’informer que la..." Genre, je me soucie de toi pour que cela passe mieux. Avec les fautes en prime. Ils font de la promotion sans faire attention à ce qu’ils écrivent.

Il y a quelques années de cela, nous nous déplacions beaucoup plus. Tu voulais rencontrer des artistes, tu allais les voir en studio. C’était vrai, pas virtuel. Aujourd’hui tu trouves le contact MSN d’un artiste par contacts interposés. On ne se connait pas. Résultat, il n’y a pas de feeling. Quoique, je te dis cela. Mais j’ai rencontré des cas autrefois. Genre le gars qui t’appelle parce qu’il a kiffé ta zick et qu’il veut des productions pour son artiste. Tu fais le déplacement. Au lieu et à l’heure du rendez-vous, il te fait attendre. Quand il arrive, celui-ci prend ton disque, le met dans un pc portable (et ca ne date pas d’hier, ce n’était pas l’ordinateur avec son HD full bass system et je ne sais trop quoi), lance la première piste puis "se casse" ailleurs dans les locaux. Cela clash direct des trucs comme cela ! Néanmoins, il n’y avait pas autant de faux semblant. Et du coup cela devenait bouillant. Tu savais tout de suite à quoi t’en tenir.

Le net communautaire est devenu froid, c’est un peu comme le numérique qui paraît plus froid que l’analogique. Le virtuel à ce côté froid peut-être parce que l’on n’entend ni ne voit pas forcément la personne à qui l’on s’adresse.
Il faut peut-être avoir son site personnel aussi, pour que cela soit moins ouvert et que les gens ne viennent plus par obligations promotionnelles. Je n’ai pas encore exploré ce côté la. C’est tellement vaste aussi. J’essaierais de t’en dire plus lorsque j’aurai mis en ligne un site avec mon projet net-tape. »


Publié par Ornicard, le 08.05.2009



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