Dreyf
« Je fais du rap avec un grand R, si tu aimes le rap et la façon dont je le fais et l’entends, c’est cool je suis ravi. »
Pourquoi avoir choisi de t’appeler Dreyf ? Est-ce un surnom que te donnaient tes amis ? Quelles sont tes motivations et qui se cache derrière ce nom ?
Non je n’ai jamais eu de surnom. On m’a toujours appelé par mon prénom ou bien mon nom. Et même si j’avais eu un nom et prénom qui sonnaient bien pour rapper, j’aurais quand même préféré prendre un pseudonyme. C’est mon côté « lecteur de comics », Dreyf est mon alter ego. Et « Dreyf » comme j’ai pu le dire par le passé déjà c’est en référence au capitaine Dreyfus.
Mes motivations sont simples : faire le meilleur rap possible, faire des albums de qualité qui restent, pousser mon truc le plus loin possible. Simplement faire du son sincère, performant, qui transmet du plaisir aux gens. Concernant la personne qui se cache derrière ce blase, il suffit d’écouter mon disque et on y découvre une infime partie.
Y-a-t-il eu un élément qui a été déclencheur de ta passion ? Que représente le mouvement Hip Hop pour toi et quelle touche personnelle y souhaites-tu apporter ?
Il n’y a pas vraiment eu un élément ou un évènement déclencheur en particulier. Je ne saurais pas l’expliquer mais j’ai toujours été réceptif à ce que dégageait le rap. Surtout l’énergie du truc au début je pense, parce que quand t’as douze ans, tu n’es pas vraiment capable de dire « je kiffe Big L, il a des textes de fou ! »… J’avais deux cousins qui écoutaient beaucoup de rap, américain et français et j’ai un peu commencé à me faire l’oreille avec leurs CD que je squattais. Première claque : NWA, parce que j’aimais bien dire « fuck the police » même s’ils m’avaient jamais rien fait, les policiers. J’ai suivi du coup ce qu’ont pu faire Dre, Cube et Ren en solo par la suite, puis Snoop, DPG, Mack 10. Puis on m’a fait écouter Wu Tang, Nas, Rakim. Et là je me disais « aucun kif ». Puis lorsque j’ai réécouté un peu plus tard, avec un meilleur niveau d’anglais et une oreille plus mature et je me suis pris ma deuxième claque.
Quant au « mouvement » à proprement parlé, il ne représente rien pour moi. Il y a des mecs et des nanas opé qui tentent de faire bouger les choses, mais c’est surtout beaucoup d’hypocrisie dans l’ensemble et j’ai beaucoup de mal à composer avec cela. Peut-être qu’aux Etats-Unis le « mouvement hip-hop » a du sens, mais ici non, je vois pas trop. Par contre le rap, lui représente énormément de choses pour moi. Je ne pourrais même pas compter le nombre de choses que cela m’a apporté, ce qui est sûr c’est que le rap a changé ma vie et cela dans le bon sens. Ce que je pense apporter c’est tout simplement ma personnalité, mon vécu et mes références.
Peux-tu nous présenter le concept de la mixtape que tu viens de sortir ? Après « Son D’Automne », tu as choisi un nom anglais, est-ce une nouvelle façon de marquer les esprits ?
Mon premier disque, le EP « Son D’Automne », était plutôt sombre, mélancolique et très porté sur l’écriture un peu en dépit du flow. Je voulais revenir avec un disque frais, patate et des gros sons mais dans l’objectif de toujours chercher à faire un truc qui ne s’inscrit dans aucune mouvance précise, c’est à dire ne pas choisir des sons téléphonés et mal digérés, ce qui peut se faire aux States.
Un flow performant, une approche un peu plus arrogante pour établir le fait que ne je suis pas là pour rigoler, voilà ce que j’ai recherché. La compétitivité et les ego trips bien tournés un peu cyniques, sont des choses qui me font « kiffer » dans le rap.
Tout ça en veillant constamment à améliorer les qualités déjà présentes sur le EP, c’est-à-dire prendre soin d’écrire des textes de qualité avec une meilleure osmose possible entre la musique et le flow. Parler de choses qui me tiennent à cœur et tenter de le faire de façon originale ou en tout cas personnelle. Voilà le concept de la mixtape, prendre la même formule, c’est-à-dire : tout ce qui fait de Dreyf ce qu’il est, le tout en passant à l’étape supérieure et donc en améliorant le tout.
« Same Player Shoot Again », le titre partait d’une private joke et j’ai trouvé que cela sonnait bien, donc j’ai gardé. « Volume 1 » parce que c’est la première d’une série de mixtapes que je sortirais en parallèle à mes albums ... dans l’idéal. Puis comme il s’agira d’une série, je voulais qu’il y ait un sous-titre à chaque opus, pour cette première en l’occurrence : « Un Nouvel Espoir ».
Quels sont les principaux thèmes que tu abordes et les messages forts que tu souhaites passer et partager avec tes auditeurs ?
Je parle de plein de choses dans ce disque, ce qui lie le tout c’est le thème du « rap » dans sa globalité, le côté un peu ego-trip dont je parlais tout à l’heure. Mais, il y a un morceau que je partage avec Nakk sur nos références un peu « pop-culture » où l’on cite des films, comics, mangas, chanteurs, même des icônes sociales et politiques qui nous ont marqué plus jeunes et qui ont sûrement façonné les hommes que nous sommes devenus aujourd’hui. On retrouve également un morceau sur une relation amoureuse, une chronique certes ordinaire mais que beaucoup de couples vivent. Un morceau bilingue où je parle des conflits entre les peuples, l’incapacité de se comprendre les uns les autres, la façon dont l’être humain a plus souvent tendance à se tourner vers des voies belliqueuses... Je parle un peu de mon vécu mais cela de façon plus disparate, avec plus de pudeur qu’avant. De mon côté obscur qui me fait faire de la merde assez régulièrement ! De mes rêves, de mes espoirs. C’est le disque d’un être humain avant tout.
Qu’est ce qui compte le plus pour toi, le texte, le flow ou bien la prod ? Quels sont tes points forts ?
Un jour, un rappeur du nom de Shaolin m’a dit « j’essaie d’attirer les gens par la forme et les retenir par le fond ». J’ai toujours trouvé cette phrase très juste et cela m’a beaucoup inspiré. C’est ce que j’ai essayé de faire sur ce disque. C’est aussi ce que je souhaite partager avec les gens qui m’écoutent finalement. Je pense que se dire « ok moi je privilégie le propos, je veux délivrer un message et c’est tout » ou « moi je ne fais que du flow, que de la performance pour faire kiffer mes gars » c’est dommage. Tu peux lâcher des textes pointus tout en faisant bouger les têtes avec des flows mortels, ce n’est pas incompatible. Pour moi le rap c’est : écriture personnelle, propre au rappeur + flow avec tout ce que cela entend de sens du rythme et d’interprétation + beat. S’il manque un de ces trois ingrédients, cela ne me parle pas en général, parce que c’est ces trois aspects qui font qu’un MC est charismatique ou pas.
Au niveau de la conception sonore quel univers as-tu cherché à retranscrire sur ton CD ? Le choix des productions a-t-il été guidé par une idée générale que tu te faisais de la mixtape ou l’as-tu construite en fonction des thèmes que tu voulais traiter ? Comment as-tu abordé tout ça ?
Je ne voulais pas qu’en écoutant mon disque on puisse se dire « ça c’est du rap jazzy » ou « soulful », ou « piano-violon », ou « dirty south ». Je voulais apporter quelque chose de vraiment original, propre au rap que j’essaie de faire. J’ai pas vraiment donné de directives, on a collaboré assez étroitement avec Catharsis mais dans l’ensemble je choisissais des sons qui me plaisaient et le tout a trouvé sa cohérence naturellement. Des mecs comme Catharsis et Karl Colson, ont quelque chose de très « cinématographique » dans leur musique. les sons de Skeezo que j’ai pris sonnent un peu orientaux mais sans tomber dans le pathos, ils sont mêlés à une influence un peu rock même si ça sonne résolument hip hop. Je trouve que l’ensemble sonne très organique bien qu’il n’y ai pas que des samples crados, qu’il y a une espèce d’ambiance filmique qui se dégage du tout, et j’aime ça, ça me correspond. Ce CD est la bande originale de la vie de Dreyf. Parfois les productions m’inspiraient pour écrire sur des thèmes précis, parfois j’avais les thèmes en tête et les productions étaient propices pour développer, parfois j’avais juste envie de dire que je suis le meilleur sur un sample de Star Wars. Y a pas vraiment de règles, il suffit d’être fidèle à ses goûts et la cohérence se crée toute seule.
Comptes-tu défendre « Same Player Shoot Again vol.1 - Un nouvel espoir » sur scène et à quelle échelle ?
C’est la grande nouveauté, je vais enfin commencer à vraiment m’activer pour les concerts et à échelle nationale si on en a la possibilité. On a déjà quelques dates de prévues sur Paris et Nancy, on va essayer de faire ça bien. Petite équipe sur scène, mon pote Viny qui me backera, un DJ, un batteur. On répète assez intensément en ce moment et si la sauce prend on va multiplier les scènes le plus fréquemment possible. C’est quelque chose que j’ai négligé par le passé et il est temps d’y remédier.
Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées dans la réalisation d’un tel projet ?
Tout ce qui vient après le mastering. La distribution et la promo en tête. Les mecs sont blasés, beaucoup n’aiment pas réellement le rap et encore moins le rap français. Une bande de disques rayés qui te répètent que « c’était mieux avant » mais où t’entendra dire « c’est du lourd gros » à tout bout de champ, souvent quand ça l’est pas du tout d’ailleurs. Tout fonctionne au copinage. Je suis pas aigri parce que j’attends pas du rap qu’il me fasse vivre, personne ne me doit rien et je ne dois rien à personne, mais il y a une raison qui fait que j’essaie d’être le plus indépendant possible, dans ma musique comme dans ma vie. Quand un distributeur me dit « je distribue ton disque, mais on te fait payer un clip à 2000€ et on te prend 70% sur tes ventes » j’ai juste envie de lui mettre des tartes. Pareil pour la presse, les sites, etc ... Des bons gars mélangés à des boulets et des parasites. Mais bon je savais déjà comment ça allait se passer, je ne suis pas surpris. Je sais juste que je vais tout faire pour changer la donne et faire bouger les choses, que je vais continuer à avancer à ma façon, en m’entourant uniquement de gens qui croient en ce que je fais et qui sont sincères dans leurs démarches. L’avenir nous dira si je réussirai ou pas, pour l’instant je vais me focaliser sur les concerts et tout faire pour que les auditeurs passionnés kiffent et adhèrent à mon truc.
Quel est le public visé par votre mixtape et comment souhaitez-vous vous différencier face à un mouvement musical saturé de clichés et contreverses ?
C’est moi le public visé. Je veux pouvoir être fier de ce que je fais, faire le genre de son que j’aurais envie d’entendre. Après, n’importe qui est le bienvenu. Je fais du rap avec un grand R, si tu aimes le rap et la façon dont je le fais et l’entend, c’est cool je suis ravi. Aucune barrière, aucune limite, qui que tu sois. Ce que je ne chercherais jamais à faire par contre c’est aller dans le sens des gens et leurs attentes. Tout cela est tellement dérisoire et éphémère qu’il vaut mieux faire à 100% ce qu’on aime et avoir la bonne surprise de constater que les gens adhèrent. Pour ma part et je pense parler pour LZO aussi pour le coup, il s’agît vraiment de faire la meilleure musique possible, point. Je ne serais jamais le rappeur plein d’amertume parce que soit disant le public ne l’a pas compris, qu’on lui a mis des bâtons dans les roues. Je ne cherche aucune excuse, je fais le meilleur rap que je peux faire, on sort les meilleurs disques qu’on peut sortir, le reste est hors de mon contrôle. En attendant je prends mon pied, et c’est bien cela qui compte !!
Publié par
, le 29.03.2009