Interviews

Rachid Wallas

« Pour faire un album, il faut vivre des choses. »

Petite présentation, pour tous ceux qui ne te connaissent pas encore :

Rachid Wallas, 33 ans, Nancy. Une vingtaine d’années dans le rap.

Pour commencer, revenons à tes débuts. Qu’est ce qui t’as tant donné envie de faire du rap ? Existe-t-il un élément précurseur ou est-ce le fruit de longues années de passion pour cette musique ?

La découverte du rap, c’est avec des artistes comme NTM, I’m, Assassin, dans les année 80-90. J’ai toujours aimé la musique de tous horizons, Michael Jackson, James Brown, Imagination... J’écoute de tout. Gamin, j’avais même un voisin qui écoutait du Hardcore et j’aime la musique à tel point, qu’il m’arrivait de jouer de la guitare en prenant ma raquette de tennis. T’as vu je faisais déjà du AIR-guitare (rires). Malheureusement, il n’y a pas de musicien dans ma famille et je n’ai pas appris à en jouer. Pourtant, j’aurais aimé. J’ai connu le rap à travers : les cassettes, les copains, rapline sur NTM… J’ai commencé dans le quartier avec un Ghetto-blaster. Y avait un petit micro inséré sur le côté avec lequel on pouvait s’enregistrer. Mon premier morceau, ça a été avec un copain sur l’instrumentale du Flic de Beverly Hills. Le titre a un peu tourné dans le quartier et c’est comme ça qu’une association nous a contacté pour fonder un groupe : K push Bass (collectif de Mc’s, graffeurs et danseurs), dans lequel j’étais actif de 91 à fin 92. L’avantage et la chance, c’est que j’ai pu directement enregistrer en studio et avec des musiciens. Puis, j’ai rencontré plein d’autres artistes et on a fondé une entité avec d’autres groupes : Les Sublim Anonym avec Enrique Mendoza, Nabil, DJ Fonkmaz, Mr Tee Bow et son frère Vincenzo Terranova (tous deux de Fratello Beatz). Cela a duré 2-3 ans. On a fait des concerts et des premières parties de plein de groupes. Puis en 96, on change de nom pour former La Konfrèrie des Feneks. La première fois où j’apparais sur une compilation, c’est avec ce groupe sur « Proselitik » puis y a eu la compilation « Ecoute ça », regroupant les membres du collectif. Niveau mixtape, j’ai pu faire : Cut Killer ("Feestyle 2"). Puis suite à un déménagement sur Paris, j’ai pas mal travaillé avec Omaz et Lartizan, entres autres... Les différentes compilations où on me retrouve, on put me donner des connexions avec des MCs de Marseille, du Canada…

Quand as-tu eu la motivation et l’idée de sortir un premier projet, ton maxi solo en 2002 ? Quel est le concept derrière ? On ressent clairement la volonté de créer ton propre univers, ce qui permet vraiment de te démarquer.

Mon premier projet solo, c’était un maxi 6 titres sorti en 2002. Je me rappèle j’ai écris et enregistré le morceau phare et portant le nom du maxi « A La Rach », le 11 septembre 2001. L’univers musical de l’album est très années 70, avec une ambiance blues au niveau des productions. Cela groove. Au niveau des textes, l’inspiration me vient du son et surtout de mon vécu. De l’état d’esprit dans lequel j’étais quand j’ai écris. L’inspiration peut venir, d’une odeur, d’un bruit, d’une image... Il n’y a aucune règle. Je ne force pas l’écriture. Ce n’est pas un travail à la chaîne. Il y a du feeling derrière mes chansons, une présence et un travail scénique.
Un album c’est l’histoire d’une vie, c’est encore autre chose qu’un maxi. Chaque morceau doit être un temps fort. Souvent j’écris dans ma tête, je laisse des idées mûrir comme le vin. Il n’est alors pas question d’écrire, avant que je ne sois dans les bonnes conditions et que tout ça soit arrivé à maturation. La musique c’est comme ça. Au niveau de la recette, j’ai mon propre code. Oui c’est un univers propre, pas de copie. Mais c’est pas à ce point différent des autres, c’est juste que c’est spontané. J’aime pas les modes. Puis le flow, c’est important aussi. Il faut le travailler en permanence. Le fond et la forme, c’est ce que j’essaie de faire.

Tu enchaînes, ensuite sur un second maxi en 2003 où tu invites Kohndo. Comment, la connexion s’est elle faite ?

Sur une compilation : « Label Rouge », on retrouvait un morceau à moi : « Je m’en bas les nuts », que j’ai ré-enregistré pour « Reloading… ». J’adore le vinyle, j’aime l’objet. Sur un scène, il y a toujours un DJ avec moi. A mes yeux, cela fait parti intégrante du rap. J’ai eu envie de partager un maxi, face A – Rachid Wallas, face B – un autre groupe. Je voulais aussi enregistrer un inédit dessus et on a fait « Qu’est-ce qu’on fout là ? ». En fait, pour Kohndo, j’ai pensé à lui et un pote m’a donné son numéro, je lui ai envoyé un texto, il m’a répondu c’est « ok ». On s’est capté en studio sur Paris et on a enregistré sur une production à Fratello Beatz. La connexion s’est donc faite par des amis commun.

Une autre expérience marquante a été le tremplin « Max de 109 », organisé par Skyrock. C’était un crochet radio, une sorte de faux casting. Puisqu’ils nous on fait passer une audition alors qu’ils savaient déjà qu’ils allaient nous prendre. J’ai donc eu mon Planète Rap spécial Rachid Wallas pendant une heure. Skyrock, c’est toujours bon à prendre. Je me suis bien préparé comme pour un combat de Boxe. Je suis resté moi même. Je ne voulais pas faire de truc commercial. J’ai écrit un couplet spécialement pour cet événement pour le freestyle, un refrain bounce. A la base c’était un concours que pour les rappeurs de province. Mais finalement des parisiens ont aussi été conviés. Cette semaine, il y avait contre moi un autre groupe de Nancy aussi, malheureusement et La fouine. C’est La fouine qui a gagné et on sait ce qu’il est aujourd’hui. On a jamais eu les scores. Mais c’était l’opportunité pour moi d’être confronté à quelques milliers d’auditeurs. C’est une approche différente. J’ai pu aussi rencontré le boss de SONY. Je n’ai jamais essayé de le démarcher et finalement c’est lui qui est allé vers moi. Je fais mon développement artistique tout seul, c’est ma volonté ce qui m’intéresse et c’est un autre chemin de croix.

2005, c’est la sortie de l’album « Street Cradibility ». Comment a t’il été accueilli par le public et quelles sont les difficultés que tu as rencontré en le sortant en indépendant ?

Faire un album c’est comme faire un film. L’écriture ne doit pas être prise à la légère. Je suis un diesel, mais une fois lancé, je vais au bout du truc. Deux, trois morceaux ont été travaillés sur le moment. J’écris le soir, j’enregistre le matin. J’ai eu pas mal de retours. Au niveau des médias, mon clip est passé à la télévision, dans des émissions spéciales hip hop, pour toucher un plus grand nombre de gens. Le gros problème que j’ai rencontré c’est au niveau de la distribution qui a coulé. Elle a mis clé sous la porte. L’album n’était pas dans les bacs. Mais on a continué à le défendre seul à travers des clips, des concerts, des interviews... C’était la grosse difficulté. D’une mauvaise expérience, il faut en faire du positif, pour ne pas répéter les mêmes erreurs. L’accueil a été bon. Je n’ai eu aucune chronique négative, même de sites spécialisés comme l’abcdr du son, aucun mauvais retours. Il y a eu un esprit d’adhésion.

Y a t-il eu une ligne directrice au niveau de la conception sonore de l’album ?

Au niveau des compositions pour le morceau « Street Cradibility » par exemple, c’est un côté spontané. Un rouleau compresseur, un son oriental, c’est l’histoire de l’Album. T’y retrouve aussi un côté mélancolique comme sur « Grant Ecart » et un côté torturé sur « Je tape à l’envers », nostalgique sur « Un bail ». Il y a aussi un morceau love : « Elle ». En fait, tu retrouves tout ce que j’aime dans le rap, des scratches, des interludes cinématographiques, du beat box… Je me suis aussi rendu compte que je pouvais chanter.

En ce qui concerne les clips que tu as fais, on te retrouve souvent dans Nancy. Quelle est ta relation avec la ville dans la quelle tu vis ? Le choix des morceaux à cliper a t-il été facile ?

La ville de Nancy, ce n’est pas un étendard pour moi comme on le voit beaucoup. Je représente, le 5.4, le 9.3… Pour moi c’est la ville où je suis né et un endroit que je trouve beau. Y a même des gens qui savent pas que je suis de Nancy et croient que je vis Paris. J’ai une vision universelle, une ouverture sur le monde. Je m’adresse à tout le monde. Pour moi la musique ça doit être quelque chose de simple. Je déteste les branlettes intellectuelles. Le trop de punchlines. Mon objectif, n’est pas d’en mettre plein la vu, d’être élitiste. Il faut un parlé vrai, simple, authentique….
Le choix des clips, c’est simplement mes coups cœurs et des thèmes bien différents à chaque fois. On retrouve aussi le morceau « Un bail » sous forme de live.

Que représente le Basketball pour toi ?

Le basket c’est une passion pour moi. J’ai grandi avec Jordan, Magic Johnson, Larry Bird. J’achetais le 5 majeur. Je n’avais pas le câble, donc j’ai même une fois regardé un match en crypté, c’était pour le retour de Michael Jordan (rires). Le basket, ça c’est imposé, mes frères jouaient et l’un d’eux est quasiment devenu professionnel. Moi je fréquentais les playgrounds. Mon style de jeu, c’est pas du M.J, mais plus à la Dennis Rodman ou à la Charles Barkley. Le basket, j’y jouait tout le temps. Même l’hiver, j’allais shooter avec des gants. J’adore tout dans ce sport, le jeu, les rebonds, le shoot, les passes, le feeling… Ce qui me plaît, c’est la notion d’équipe, les actions de jeu. Si tu veux le basket, c’est un peu comme la vie. C’est représentatif. T’y discerne rapidement, les opportunistes, les individualistes, les généreux. Ceux qui n’ont pas peur d’aller au charbon.

On te retrouve aussi à déclarer ton amour pour ce sport, dans le morceau Wall of Fame et son clip qui bénéficie d’une superbe réalisation et de la présence de George Eddy ?

En fait pour ce clip, c’est grâce à mes copains de la Slam Nation (Kadour). Le SLUC de Nancy, nous a même laissé la salle pendant deux journées pour le tournage. Je ne voulais pas faire qu’un truc sur le basket. Mais je voulais vraiment des phases de jeu, des dunks. La salle était complètement plongée dans le noir excepté le terrain. Mon pote graphiste m’avait fait un grand R.W. pour coller sur la raquette. Comme Kadour était blessé à ce moment, il a joué le rôle de l’arbitre. Donc c’est par la Slam Nation, que j’ai été mis en relation avec George Eddy. Il a tout de suite répondu positivement. : « Slam Nation, c’est la famille ! ». Un jour quand le réalisateur du clip était aussi sur Paris, j’ai appelé George Eddy et il nous a dit d’aller le rejoindre dans 3 heures au stade Coubertin. C’était l’horreur, y avait grève des transports. Quand on est arrivé, il jouait au basket avec le staff de canal +. Il nous a proposé de joué avec lui. Il est trop fort, il a un sacré shoot. On lui a dit ce qu’il avait à dire. On a fait deux prises devant une porte et c’était en boite. Les gens croyaient que la production était dans un trip moderne. Ils n’ont pas aimé. Mais ils n’ont pas capté le délire. En fait, c’était old school, dirty, des années 80. Le style dirty, ils n’ont rien inventé, ça existait déjà avant.

Quels sont tes projets à venir ?

Je prépare un album. Et ce que je souhaite faire, c’est mélanger des productions machines avec des productions zickos. Pour faire un album, il faut vivre des choses. Pour moi la musique c’est une course, mais une course de fond. Il ne s’agit pas d’aller au plus vite, mais de se laisser du temps. L’important, c’est déjà, qu’elle me plaise à moi. Qu’elle me procure une satisfaction personnelle et si au final ça ne plaît pas, tant pis…


Publié par Ornicard, le 17.09.2010



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